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Bouger les lignes

Cadeau

Une des choses que je préfère consiste à me creuser la tête pour faire plaisir aux gens que j’aime. Je trouve un plaisir inouï à rejoindre l’autre où il est ou du moins tenter. Souvent quand on prend le temps de regarder l’autre, de comprendre ce qu’il aime et ce qui le fait vibrer, il est en réalité très facile de tomber dans le mil.

D’ailleurs, il n’est même pas nécessaire de dépenser des gros montants, consacrer du temps suffit souvent.

C’est faire la surprise, le matin de son anniversaire, de réveiller sa maman, avant qu’elle même ne le fasse ; de lui attacher un fil au bras et de la laisser suivre un parcours qui la mène : 1) à une carte qui lui dit de prendre son café (de toute façon sinon on n’arrive à rien), 2) se doucher; 3) Préparer un sac pour découcher une nuitée ; 4) lui faire attraper ce qu’on a déposé sur la terrasse (une bouteille de champagne). Puis, tu la montes en voiture vers une destination inconnue et elle pleure de l’attention plus que du cadeau lui-même. Après, c’est simple c’est du temps ensemble ailleurs et quelques fleurs.

Il y a aussi ton père, dont tu sais, qu’il est attaché à sa famille. Il a décidé de venir vivre dans la maison qu’habitaient ses parents. Pour son anniversaire, tu déplaces tout un monde pour lui offrir un biscuit. Mais pas n’importe quel biscuit ! Un spéculoos que tu as confectionné toi même ; dans un moule que tu as fait sculpter à l’image de sa maison, avec le puit et l’arbre (c’est très important). Tu as indiqué l’année où il est arrivé dans la maison et celle où son propre père s’est envolé dans le ciel. Il y a eu le côté marrant car en fait tu n’en as jamais fait de speculoos. Pour préserver le secret, tu as rendu ta tante complice. Tu as fait livrer le moule chez elle. Un matin alors que tu es en vacances chez ton père, tu as prétexté devoir aider ta tante sur une bêtise alors qu’en fait, tu files « spékuler ». Tu rencontres quelques craintes à l’idée qu’il ne va pas se démouler mais finalement c’est réussi. Alors, tu offres un biscuit à ton père pour son anni, puis un moule, qu’il reçoit ému.

Il y a ton frère à qui tu fais la surprise alors qu’il vient d’accomplir un doctorat magistral après des années de sueur, de travail, de pleurs et de persévérance, à qui tu fais coudre un chapeau de diplômé à l’américaine. Ceux qu’on lance en signe de victoire et d’accomplissement. Tu le regardes ouvrir ce drôle d’emballage et tu vois la joie sur son visage alors qu’il découvre le chapeau bleu électrique sur lequel est inscrit en fil doré « Docteur en Complexité Urbaine ». Et soudain, il le lance !

C’est réunir plein de personnes proches d’elle et offrir à la gazelle un stage de tournage sur bois.

Au delà de ces moments extraordinaires, c’est aussi des petits moments furtifs. C’est offrir à un gamin le kayak que tu n’utilises pas. C’est apporter un morceau de gâteau à une dame que tu ne connais pas mais qui est ta voisine et dont tu vois qu’elle est seule. C’est dire un petit mot à quelqu’un dont tu as vu qu’il avait du mal à digérer une nouvelle. C’est plus qu’un cadeau, c’est une attention.

Franchement, je voudrais ne vivre que de ces moments-là. Ces moments où tu rejoins l’autre là où il est et pour un instant que tu savoureras pendant des années, atteindre une communion avec lui qui vous soude à jamais.

Cette année, c’est les 40 ans de mon frère. C’est en septembre, on est en mai et on est déjà en train de s’y atteler 🙂 Action !