La gazelle appartient aux animaux dotés de la plus grande détente verticale. Une gazelle enfermée dans un enclos dispose bien souvent de toutes les qualités pour se libérer. Pourtant, elle ne le fait pas. Pourquoi ? Parce qu’elle ne saute que si elle voit où ses pattes vont retomber !
N’est-ce pas là une formidable illustration de tous ces sauts dans l’inconnu que nous n’osons pas faire malgré nos talents, nos envies et nos capacités ? Car on ne sait pas où cela nous mène, on a peur du regard de l’autre ou de ne pas y arriver.
Aujourd’hui, j’ai vu une « gazelle » sauter.
Je suis convaincue que nous sommes tous détenteurs de nombreux talents. Peut-être son principal talent, à elle, se résume- t’il dans son énorme soif d’apprendre, son énorme curiosité. Depuis que je la connais, je l’ai vue se perfectionner en photo, en tournage sur bois, en vidéo, en impression 3D, en film d’animation etc. Dès qu’elle a un instant, elle apprend, elle lance un « tuto », elle cherche comment marche telle chose, elle démonte, elle remonte.
Depuis plusieurs années, elle parle de construire une machine, une CNC, ou machine à commande numérique. Une machine qui met en oeuvre ce que l’ordinateur qu’elle aura programmé, lui dit de faire.
Après des semaines de construction, d’assemblages électroniques, de découpes de bois légers, de découpes de bois denses, de réflexions en 3D, d’apprentissage du logiciel, de choix de fraises pour creuser et je passe toute la partie avec le vocabulaire que je ne saisis pas – le test était programmé ce matin.
Mais je dois dire que cela faisait déjà deux semaines que la machine était prête. Elle a passé un bon bout de temps dans l’enclos avant de se lancer, ma gazelle. Cette incertitude de base complètement irrationnelle qui parvient régulièrement à la convaincre qu’elle est nulle.
Par je ne sais quel miracle, elle a réussi à se détacher de l’inconnu pour bondir.
J’en ai pleuré.
De voir cette machine s’animer et creuser dans le bois en une dizaine de minutes ce que l’intelligence de la gazelle lui avait commandé. De réaliser toutes les techniques qu’il fallait connaître, la persévérance dont elle avait fait preuve pour mener à bien la construction.
C’était même dingue imaginer ne pas tester cette machine rien que par respect pour tout le travail accompli.
Bien sûr, cela a marché du premier coup, parfaitement. Comme d’habitude, j’ai envie de dire.
Et j’ai pensé, si seulement les gazelles bondissaient.
Si seulement chacun d’entre nous se lançait et assouvissait ses désirs de création. Que le monde serait beau rempli de gens qui ont l’audace de se réaliser, qui ont l’audace d’oser exprimer qui ils sont.